Dans la vie, on a toujours le choix : aimer ou détester, assumer ou fuir, avouer ou mentir, être soi-même ou faire semblant.– Nelson Mandela
Lorsque j’ai lu cette citation de Nelson Mandela, mon esprit a été illuminé. Je m’étais persuadée que je n’avais pas choisi de m’exiler.
Pourtant, en saisissant l’opportunité de quitter Kigali (Rwanda) en avril 1994 au début du génocide des Tustis, j’ai fait le choix d’aller à la rencontre de la paix. Je devrais donc assumer mon choix d’avoir pris le chemin d’exil.
Est-ce que ma vie actuelle est vraiment le résultat des choix que j’ai fait ?
Le 4 avril 1994, j’arrivais à Kigali après un séjour d’un mois en Belgique et au Canada. Bien que mon mari m’ait demandé de rester encore une semaine au Québec pour voir la suite des négociations d’Arusha (Tanzanie) entre le gouvernement et le Front Patriotique Rwandais, j’ai fait le choix de rentrer chez moi, sachant que mon pays n’avait plus connu la paix depuis octobre 1990. Le 6 avril 1994, deux jours après mon arrivée à Kigali, l’avion du président Habyarimana, qui rentrait d’Arusha, a été abattu.
A mon réveil le 7 avril 1994, début du génocide, je n’arrivais pas à croire ce qui nous arrivait à nous les Rwandais. Fière d’être rwandaise, je pensais que les autres peuples pouvaient s’entretuer mais pas nous les Rwandais. Pourtant, j’avais appris à l’école, au cours d’histoire du Rwanda, les conflits fratricides qui ont marqués notre peuple.
Quand on nous a demandé de quitter notre maison pour aller rester au bureau de mon mari à la MINUAR (Mission de l’ONU au Rwanda), j’ai mis dans mon sac des robes habillées pour ma fille de 2 ans et moi pour bien paraître dans ce beau monde de la MINUAR. Mon choix fût motivé par le fait que ce serait un déplacement temporaire, au plus une semaine et la paix reviendrait et nous rentrerions à la maison. Mauvais choix ; nous n’avons pas été très loin car les routes étaient le théâtre d’affrontements. Nous sommes allées à l’ETO (Ecole Technique Officielle) de Kicukiro et mes habits n’étaient pas du tout appropriés parce que je devais porter ma fille au dos.
Quand je pense aux personnes réfugiées dans cette école, abandonnées par les casques bleus de la Minuar, qui ont été tuées par les Interahamwes, je me rends compte de la chance que j’ai eue et rends grâce à la protection Divine.
Si c’est Dieu ou l’Univers qui nous a protégés, est-ce que j’ai fait le choix de survivre?
Face à la mort que je pensais imminente, la peur que j’ai éprouvée m’a mise en mode de survie ou de zombie, je suivais le chemin qui se traçait au fur et à mesure pour nous. C’est pourquoi, j’ai toujours pensé que je n’avais pas eu le choix de quitter mon pays et d’abandonner ma vie que j’aimais. C’est la peur de mourir ou de vivre l’horreur qui m’a poussée à quitter mon pays.
Mais s’il n’y avait pas eu les conflits qui ont conduit au génocide des Tutsis, aurais-je poursuivi ma vie à Kigali jusque maintenant? Je n’en sais absolument rien car la vie est pleine de surprises, catastrophes naturelles ou provoquées.
Après Leuven et Londres, j’ai choisi de vivre à Seneffe. « Seneffe, c’est où ? », question qui m’est souvent posée quand je parle de ma vie paisible à Seneffe. Vivre à Seneffe ou à Londres ou ailleurs n’a jamais été dans mes rêves, j’avais des projets que je poursuivais à Kigali.
A Seneffe jusque quand ? Je ne donne aucune réponse à cette question car on dit que l’homme propose et Dieu dispose.
J’ai appris à vivre joyeusement un jour à la fois et à profiter de chaque moment qui m’est donné.
Béata Bagaragaza
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